Pour Iannis Pledel et Manuel Atréide, responsables éditoriaux de sites participatifs, la micro-audience créée via les réseaux sociaux virtuels et les sites participatifs constitue déjà une forme de réseau ! Voici les clés de compréhension de ces nouveaux vecteurs de notoriété et de contacts.
Manuel Atréide, Responsable éditorial du site SportVox
Iannis Pledel, Responsable éditorial du site AgoraVox
Introduction
Sites participatifs et réseaux sociaux : pourquoi travailler la micro-audience ?
Le web 2.0 amène avec lui une série de changements qui impactent non seulement l’ensemble du Web, mais aussi la manière dont les gens, internautes occasionnels ou acharnés, conçoivent leurs relations aux autres.
On entend souvent la question récurrente et lancinante sur la qualité des relations nouées via le Web : le cyber est-il un « vrai » moyen de rencontrer des gens, les « net-amis » sont-ils de vrais amis, de vraies relations ? En clair, le Web permet-il de créer des relations de qualité entre les gens ou est-il un miroir aux alouettes postmoderne, générant l’illusion d’un cercle d’amis alors que chacun est seul derrière son ordinateur ?
L’animation d’un site participatif comme celui d’AgoraVox demande de bien connaître la communauté de rédacteurs. Au travers de ce site, de nombreuses personnes proposent et publient des articles sur le ou les sujets qui les passionnent. Ces articles parlent de tout : de l’actualité économique, de culture ou de politique. Des coups de cœur et des coups de gueules sont régulièrement proposés et publiés.
Jusque-là, rien de bien neuf par rapport à la presse classique qui publie, elle aussi, nombres d’articles sur des sujets similaires.
Qu’est-ce donc alors qui fait que ces internautes se connectent, jour après jour sur AgoraVox ? Où est la spécificité de ce site qui a, au fil du temps, fidélisé un vaste nombre de personnes ? Pourquoi venir sur AgoraVox ? Pourquoi venir y publier ses articles, pourquoi venir animer les fils de discussion au travers des commentaires qui viennent s’ajouter aux articles publiés ?
Le site est estampillé Web 2.0. Le Web 2.0 n’est pas seulement la possibilité donnée aux gens de publier leurs écrits. La vraie force du web 2.0 se trouve dans la capacité qu’ont les internautes qui surfent sur ces sites d’interagir entre eux, de nouer des liens, de forger des relations durables, parfois même des amitiés. Les « agoravoxiens », comme ils aiment à se nommer eux-mêmes, apprennent au fil du temps à se connaître. Petit à petit, ils en viennent à échanger au-delà de l’objet premier du site ou au-delà de l’objet premier d’un article. Une communauté ne se construit pas uniquement au travers des échanges d’informations (fonction référentielle), mais aussi avec des échanges sociaux qui empruntent aux fonctions phatiques ou expressives du langage. Au travers de leurs discussions, ils finissent par se révéler, par exprimer ce qu’ils aiment et ce qu’ils n’apprécient pas, par se donner des conseils. Une création de lien social s’opère alors et la communauté se tisse peu à peu.
Sites participatifs et réseaux sociaux : une étroite complémentarité
Les sites participatifs sont-ils donc une forme de réseau social ? Les sites de réseaux sociaux tels que Myspace ou Facebook doivent-ils alors concevoir les sites du réseau AgoraVox par exemple comme de vrais concurrents ou des concurrents potentiels ?
Certainement pas. Au contraire, l’ensemble de ces sites ont tout à gagner à travailler main dans la main, à rechercher des synergies, à utiliser les forces des autres sites pour renforcer leurs propres points faibles.
Prenons le cas d’AgoraVox. Comme dans tous les médias, les sujets ne sont pas tous égaux devant l’intérêt du public. Se dégagent quelques thématiques, qui suscitent un engouement et une passion massifs. La politique, l’économie, les sujets chauds d’actualité (crise des subprimes, conflits internationaux etc), trustent l’intérêt des internautes et viennent quotidiennement – ou presque – alimenter les éditions.
Les internautes qui ne montrent que peu d’intérêt pour ces sujets rois sont parfois rebutés par la lecture d’un site qui ne parle que peu du ou des sujets qu’ils aiment. Comme toute minorité, ces petits groupes se sentent parfois un peu étouffés par le courant dominant et ont tendance à fuir les sites qui, bien que dédiés à un domaine où ils ont un intérêt certain, ne leur semblent pas être suffisamment ouverts.
Les sites de réseaux sociaux généralistes tels que Myspace ou Facebook peuvent alors apporter des moyens de fédérer ces groupes de taille plus modestes. Il y a tant de personnes avec tant d’intérêts divers sur ces sites qu’il devient difficile de trouver un « mainstream ». Paradoxalement – en apparence – les minorités s’y sentent plus à l’aise.
Afin d’ouvrir un site comme AgoraVox à des sujets de niche peu médiatisés, un réseau social généraliste est un bon moyen d’entrer en contact avec ces internautes. Il s’agit alors de prendre contact avec eux, de rentrer dans les groupes qu’ils ont constitués, et de leur montrer que les portes sont ouvertes. Il est possible de contacter des passionnés sur des sujets aussi éclectiques que la finance, l’opéra, la photographie ou la gestion du patrimoine. Nous pouvons ainsi suivre l’actualité et bénéficier de conseils, d’articles de spécialistes ou de passionnés d’un domaine.
Un travail sur de la micro-audience : une logique de longue traîne et de dissémination
À titre d’exemple, SportVox, une déclinaison d’AgoraVox, a réalisé une expérience cet été autour de la voile (sport peu présent sur le site) et de la Solitaire du Figaro. Le contact de certains internautes via Facebook a permis de s’intéresser de près à la voile et même de publier des articles et des reportages qui ne sortaient nulle part ailleurs. Les passionnés ont leurs canaux, leurs réseaux d’amis. Le site a ainsi suivi cet été le skipper Laurent Gouézigoux. Des articles ont été relayés dans les groupes Facebook consacrés à la voile. L’audience tout au long de la course a été crescendo pour finir par tripler en fin d’aventure.
Il existe une multiplicité de blogs et de sites spécialisés qui contentent les passionnés mais restent relativement fermés au grand public. Il faut donc trouver des solutions pour toucher ce public mais aussi pour ouvrir la communauté. Les réseaux sociaux sont une des solutions possibles.
Ces articles spécialisés publiés sur des sites participatifs généralistes bénéficient d’une audience de longue traîne : longtemps après leur parution en home page dans l’édition du jour, ces articles attirent une micro-audience grâce aux liens placés sur les sites de réseaux sociaux. Agrégées, ces micro-audiences créent une audience relativement substantielle.
Ajoutons à cela que sur Internet, les stratégies de dissémination de l’information sont toujours payantes en termes d’audience. Cela peut effrayer certains éditeurs qui souhaitent protéger à tout prix leur contenu, ils rentrent dans une logique propriétaire. On pourrait penser à première vue que la dispersion des contenus est néfaste car l’éditeur, l’auteur en perd le contrôle direct. Pourtant diffuser des articles, même complets sur d’autres sites, en mentionnant la source crée une mécanique vertueuse. Plus l’image d’un site est présente sur le Web, mieux elle se porte. Cette stratégie de dissémination renforce les liens entre les sites et les plateformes participatives créant un effet réseau d’augmentation de l’audience.
Conclusion : réseaux sociaux un impact positif à moyen/long terme
Il est indéniable que cette politique a montré que l’approche d’un public dit « de niche » par le biais des réseaux sociaux apporte des résultats. L’utilisation des réseaux sociaux, qui sont en définitive au cœur de ce qu’est le Web 2.0, permet sans doute une multiplicité de micro trafics et par là même de contribuer à la croissance de l’audience d’un site, croissance toujours recherchée car souvent génératrice de revenus lorsque l’audience atteint un certain seuil.
Mais au-delà d’une audience en croissance, ce travail sur les réseaux sociaux permet aussi de générer une audience fortement qualifiée. Les internautes captés par ce biais ont un profil d’intérêt connu et sont, lorsque le site se donne les moyens d’entretenir une telle relation, des lecteurs fidèles, voire des rédacteurs.
Il est à parier que le travail de gestion de réseaux sociaux et de dissémination de l’information fera de plus en plus partie intégrante des politiques de gestion éditoriale des sites dans les années qui viennent. Et les sites qui auront, face à ces phénomènes sociaux nouveaux une politique cohérente et bien pensée, tireront sans aucun doute leur épingle du jeu, dans la compétition impitoyable que se livrent désormais les médias sur le Web.