Un entrepreneur cherche à maîtriser son récit quand il se présente ou quand il veut convaincre. Si le storytelling est précisément l’art de construire un récit, c’est aussi et avant tout une technique. 8 conseils pour l’apprendre…
Par Sébastien Durand,1er spécialiste du storytelling d’entreprise et auteur de Réenchantez votre communication aux éditions Dunod (2011).
Pourquoi raconter une histoire ?
Dans une époque en quête de sens, le storytelling – ou l’art de créer un récit d’entreprise – aide à en donner. Une bonne histoire est rassurante, elle s’inscrit dans la durée et comme elle privilégie l’émotion sur la raison, elle touche directement au cœur. D’ailleurs, pensez aux grandes marques : Coca-Cola, Apple, Disney, Danone, etc.
Elles vous vendent un rêve, un récit bien avant de vous vendre des produits.
Sébastien Durand : « Vous vous dites que Disney ou Apple, ça n’est pas pour vous ? Mais Steve Jobs et Walt Disney ont tous les deux commencé dans un garage, à faire du bidouillage informatique pour l’un, à animer des petits Mickeys pour l’autre. « Je n’oublie jamais que tout a commencé par une souris » disait Disney à la fin de sa vie.
Alors, si votre storytelling est bon dans un garage, il vous emmènera peut-être au sommet de la gloire ! »
Combien y a-t-il de types d’histoires ?
Il existe 7 types d’histoires. Oui, de l’Iliade à Star Wars en passant par Renault ou BlaBlaCar, il n’y a que quelques grands modèles qu’on peut facilement apprendre à distinguer. Les Grecs et les Latins attribuaient à chaque dieu de l’Olympe un mythe fondamental.
Comme les jours de la semaine sont dénommés en fonction des dieux principaux, si vous connaissez les jours, vous connaissez (même si vous ne le savez pas encore !) les 7 types d’histoires efficaces pour se présenter et pour convaincre.
Jours de la semaine : DIEU DE L’OLYMPE STORYTELLING
- Lundi : DIANE, déesse de la Lune Être reconnu à sa juste valeur, vaincre les préjugés
- Mardi : MARS, dieu de la guerre Conquérir, devenir le numéro 1
- Mercredi : MERCURE, dieu du foyer Inspirer la confiance, être proche de ses clients
- Jeudi : JUPITER, père des dieux Être puissant et respecté, rester numéro 1
- Vendredi : VENUS, déesse de la beauté Créer du désir, rendre plus glamour
- Samedi : SATURNE, dieu des enfers Libérer les sens, ne se fixer aucune limite
- Dimanche : APOLLON, DIeu du soleil Changer la vie de ses clients, partager la connaissance
Êtes-vous plutôt du dimanche ou du lundi ?
Si votre entreprise ou vos produits ambitionnent de changer la vie de vos clients (technologie disruptive, logiciel révolutionnaire, etc.) ou de partager la connaissance (encyclopédie en ligne, presse quotidienne, etc.), vous racontez une histoire de type Dimanche/Apollon : au sens figuré, vous êtes comme le soleil vous apportez la lumière.
⇒ Inspirez-vous de la communication d’Orange, Microsoft, Lego, Facebook, etc.
Si vos produits sont complexes, dans le B2B (sans visibilité auprès du client final), dans un secteur qui a mauvaise réputation ou encore si vous vous relevez d’une crise, vous racontez une histoire de type Lundi/Diane.
La lune n’est pas éclairée directement par le soleil, les rayons de ce dernier sont réfractés par la Terre : vous avez besoin d’un coup de projecteur. Vous êtes comme le vilain petit canard du conte qui veut faire savoir qu’au fond, il est un cygne.
⇒ Inspirez-vous de la communication de Hoegaarden, Intel, Total, Société Générale, etc.
Êtes-vous plutôt du mardi ou du jeudi ?
Si vous voulez passer de challenger à leader, devenir « calife à la place du calife », fédérer votre équipe contre la concurrence ou la législation, être dans le « nous contre eux », vous racontez une histoire de type Mardi/Mars : vous suscitez l’empathie qu’on a pour David quand il affronte Goliath (surtout quand on sait qui va gagner !).
⇒ Inspirez-vous de la communication de Free, Leclerc, Pepsi-Cola, Burger King, etc.
Si en revanche, vous êtes déjà le numéro 1 et que vous entendez le rester, vous montrez votre puissance, vous racontez une histoire de type Jeudi/Jupiter. Attention, vous suscitez certes le respect et l’admiration ainsi mais pas forcément l’empathie. Ce storytelling est en général plutôt une typologie institutionnelle de leader qui a réussi plutôt que celui d’un néo ou d’un micro-entrepreneur. Il est donc à manier avec précaution.
⇒ Inspirez-vous de la communication des entreprises du luxe, des grands groupes dans leur rapport annuel, etc.
Êtes-vous plutôt du mercredi ou du vendredi ?
Si vous voulez être la marque/le produit préféré de vos clients, si vous voulez être dans la proximité et la confiance avec eux, vous racontez une histoire de type Mercredi/Mercure. Vous devez avoir un storytelling qui rassure. Mais attention, la confiance se gagne difficilement, se perd facilement et se regagne encore plus difficilement. Parfois, vous cédez la parole à vos clients (testimoniaux) car ce sont eux qui parlent le mieux de vous.
⇒ Inspirez-vous de la communication de Carrefour, Nutella, Bonne Maman, Renault, EDF, etc.
Si vos produits rendent vos clients plus jeunes, plus beaux (la mode, la cosmétique) ou simplement si vous aspirez à un monde plus glamour, vous créez du désir et vous racontez une histoire de type Vendredi/Vénus. Vous êtes comme une fontaine de Jouvence pour eux, ils ne voient pas le temps passer (ni le temps qui passe sur eux !).
⇒ Inspirez-vous de la communication d’Apple, Nespresso, les parfums, Evian, etc.
Êtes-vous plutôt du Samedi ?
Enfin, si vous aimez la provoc’, si vos produits s’adressent à une cible qui aime s’affirmer contre les autres (les ados, produits communautaristes, etc.), si vous ne vous fixez aucune limite dans le bon goût (et c’est votre droit), vous racontez une histoire de type Samedi/Saturne. C’est la fièvre du samedi soir au sens figuré : sans inhibition.
Attention, ce storytelling est évidemment très clivant. Si vous cherchez le consensus, passez votre chemin !
⇒ Inspirez-vous de la communication de Greenpeace, Red Bull, les jeux vidéo pour hardcore gamers, etc.
N’hésitez pas à vous entraîner en regardant des pubs, en lisant des interviews de dirigeants et en analysant des rapports stratégiques : essayez de trouver le storytelling sous-jacent. Très vite, au-delà des différences de style, de produits, vous percevrez la similitude entre les récits proposés et reconnaîtrez derrière telle ou telle campagne une des 7 typologies de storytelling.
Quelle histoire, parmi les 7 possibles, allez-vous raconter ?
Dans la fable de La Cigale et la Fourmi, Ésope se place du côté de la Cigale alors que La Fontaine, dans la version que nous avons apprise à l’école, est du côté de la Fourmi. Le même récit peut entraîner des morales différentes, voire opposées. Votre choix doit donc se porter sur le storytelling le plus efficace pour atteindre l’objectif fixé. Pas celui que vous incarnez, pas celui que vous voudriez raconter, pas non plus celui que vos cibles se disent disposées à entendre !
Sébastien Durand : « Il faut savoir sortir de votre zone de confort tout aussi bien que des études de marché trop rassurantes. Henry Ford, inventeur de l’automobile moderne, disait : « Si j’avais demandé à mes clients ce qu’ils voulaient, ils m’auraient réclamé des chevaux qui courent plus vite ». Le storytelling réhabilite l’intuition, une qualité que doit posséder un entrepreneur. À vous de choisir celui que vous pressentez comme le plus efficace, pas celui qu’on veut vous imposer ».
Comment raconter votre histoire ?
Un récit, c’est un héros qui poursuit une quête à laquelle s’opposent toutes sortes de forces contraires et qui connaît une fin si possible heureuse.
Une fois que vous savez que votre typologie de storytelling est votre quête, cela détermine qui est le héros (vous/votre entreprise/votre produit ou bien votre client) et qui s’oppose à vous mais aussi comment vous voulez que cette histoire se termine.
QUÊTE HÉROS « MÉCHANT » HAPPY END
- LUNDI
Être reconnu à sa juste valeur, vaincre les préjugés L’entrepreneur, son entreprise ou le produit L’entrepreneur, son entreprise ou le produit À la fin, l’entrepreneur, son entreprise ou le produit sont reconnus à leur juste valeur - MARDI
Conquérir, devenir le numéro 1 L’entrepreneur, son entreprise ou le produit Les concurrents, la législation, tous ceux qui s’opposent au héros À la fin, l’entreprise ou le produit deviennent numéro 1 - MERCREDI
Inspirer la confiance, être proche de ses clients Le client Tout ce qui peut briser la confiance entre l’entreprise, le produit et le client Aussi longtemps que la confiance demeure, cette histoire n’a pas de fin - JEUDI
Être puissant et respecté, rester numéro 1 L’entrepreneur, son entreprise ou le produit Officiellement, l’entrepreneur, son entreprise ou le produit ne se sentent menacés par rien ni personne Aussi longtemps que l’entrepreneur, son entreprise ou le produit sont leaders, cette histoire n’a pas de fin - VENDREDI
Créer du désir, rendre plus glamour Le client Le temps qui passe et qui emporte désir, jeunesse, beauté Aussi longtemps que l’entreprise ou le produit rendent le client désirable, cette histoire n’a pas de fin - SAMEDI
Libérer les sens, ne se fixer aucune limite L’entrepreneur, son entreprise, le produit ou le client (pas de règle, tout est possible) L’ennui, tous ceux qui n’entrent pas dans la sphère du client Aussi longtemps que l’entreprise ou le produit évite l’ennui au client, cette histoire n’a pas de fin - DIMANCHE
Changer la vie de ses clients, partager la connaissance L’entrepreneur, son entreprise ou le produit L’ignorance, tout ce qui maintient le statu quo À la fin, l’entreprise ou le produit changent la vie du client
Pour aller plus loin…
À l’ère du numérique et des réseaux sociaux, les clients ont pris le pouvoir sur les entreprises. Pour les entrepreneurs qui veulent reprendre le contrôle, le temps n’est plus aux argumentaires sur les spécificités techniques ou commerciales de leurs produits. Il faut des histoires fortes pour capter l’attention des clients et leur donner envie de connaître la suite. Et écrire un récit au futur : il sera une fois le storytelling.
Sébastien Durand : « Les films de super-héros (des demi-dieux au sens littéral) qui défendent leur cité assiégée par une coalition d’aliens (étrangers) ne font que raconter à nouveau L’Iliade d’Homère. Grâce au storytelling, les néo- et micro-entrepreneurs ont désormais la capacité de créer des récits tout aussi captivants aussi bien pour se présenter que pour convaincre. Ils auraient tort de s’en priver et de laisser leurs concurrents le faire. Il y aura toujours quelqu’un pour relever la cape qu’un super-héros a laissé à terre. Autant que ce soit vous ».