La franchise constitue un modèle de développement de réseau particulièrement efficace. Cependant, ne s’improvise pas franchiseur qui veut… Contrairement à certaines idées reçues, il ne suffit pas d’un bon concept pour que la création d’un réseau de franchise soit réussie : un projet commercialement pertinent peut rapidement devenir un échec cuisant si sa construction n’a pas été murement réfléchie par le futur franchiseur. Les 5 étapes à respecter avant de se lancer.
Martin Le Péchon, Avocat à la Cour, Membre du Collège des Experts de la Fédération Française de Franchise www.avocats-franchise-reseaux.fr
Etape 1 : Etre titulaire d’une marque forte et d’un savoir-faire substantiel.
Définition de la franchise : accord par lequel un opérateur (appelé franchiseur) concède dans une zone géographique déterminée à un commerçant indépendant (appelé franchisé) le droit et le devoir d’utiliser son savoir-faire et sa marque tout en lui offrant une assistance technique et/ou commerciale.
De fait, la conclusion d’un contrat de franchise implique :
- La transmission d’un savoir-faire par le franchiseur à son franchisé.
Ce savoir-faire doit être substantiel et non immédiatement accessible de telle façon qu’il puisse procurer au franchisé un avantage concurrentiel réel.
Il peut avoir un caractère commercial (lorsqu’il s’appuie sur des méthodes de vente particulières¹ ou sur l’accès à une centrale d’achat²) et / ou technique (lorsqu’il implique par exemple l’utilisation de logiciels informatiques spécifiques au réseau³).
Ce savoir-faire doit par ailleurs être éprouvé, c’est-à-dire avoir fait la preuve de son efficacité lors d’une exploitation antérieure. En pratique, le savoir-faire peut être matérialisé et transmis par différents moyens tels qu’un « manuel opératoire » (c’est-à-dire un recueil écrit de l’ensemble des procédés à respecter par le franchisé) ou au travers de formations proposées par le franchiseur aux membres de son réseau.
- La mise à disposition par le franchiseur d’un signe distinctif au bénéfice du franchisé.
Le signe distinctif est l’autre élément indispensable dont doit disposer tout franchiseur pour mener à bien la construction de son réseau. Il est fortement souhaitable que ce signe ait une identité forte et ait fait l’objet d’un dépôt à titre de marque. Un tel dépôt n’est cependant pas obligatoire même si, en pratique, il est quasi-systématique car il accroit très sensiblement la protection du signe.
¹ Cour d’appel de Versailles, 4 juillet 1996.
² Cour d’appel de Douai, 30 juin 2010.
³ Cour de cassation 1er juillet 2003, SECTA « Autosur » /STM.
Etape 2 : Evaluer les chances de succès du réseau.
La création d’un réseau de franchise ne peut s’appuyer uniquement sur un concept théorique qui n’aurait pas préalablement fait l’objet d’une application pratique.
Le franchiseur serait d’ailleurs fautif s’il prétendait pouvoir développer un réseau au moyen de méthodes qu’il n’a pas pris la peine de tester.
Ce n’est en effet qu’une fois que la marque et le savoir-faire auront été exploités dans la vie des affaires que l’édification du réseau de franchise pourra véritablement débuter.
L’évaluation de l’efficacité du savoir-faire et les chances de succès du futur réseau se fait le plus souvent par l’exploitation d’une ou plusieurs unités « pilotes ».
Cette ou ces unités pilotes constituent un laboratoire permettant de s’assurer d’une part que le savoir-faire est duplicable et d’autre part que sa mise en application présente un intérêt commercial et/ou technique pour les futurs franchisés.
Etape 3 : Disposer d’une capacité de financement suffisante.
Il existe une idée reçue selon laquelle un entrepreneur qui disposerait d’un bon concept pourrait, sans autre moyen que sa bonne volonté, mettre sur pieds rapidement et efficacement un réseau de franchise.
Cette erreur est fréquente chez de nombreux franchiseurs potentiels qui estiment que leur projet peut être mis sur pied avec des moyens financiers très limités.
C’est oublier que la création d’un tel réseau implique des investissements souvent importants en matière de communication, de conseil, de recrutement et de stratégie.
En pratique, le futur franchiseur doit disposer d’une capacité financière suffisante et se faire assister tout au long de son projet d’un expert-comptable compétent.
Il ne faut pas non plus que le futur franchiseur perde de vue l’importance du temps qu’il devra consacrer à la mise en œuvre de son projet.
Etape 4 : Mettre en place l’organisation juridique du réseau.
Une fois les étapes précédentes accomplies, le franchiseur devra passer à l’édification juridique de son réseau.
Cette phase est toute aussi importante que les précédentes.
En effet, un projet commercialement excellent ne pourra prospérer s’il n’est pas commercialement adossé à des contrats solides.
En pratique, l’édification juridique se déroulera selon les étapes suivantes :
- Création d’une société commerciale qui jouera le rôle de franchiseur.
- Rédaction du contrat de franchise et du document d’information précontractuelle¹.
- Rédaction des autres contrats permettant d’optimiser le fonctionnement et de développer les sources de profit du réseau (contrat de réservation de zone, contrat de référencement des fournisseurs, conditions générales de vente…).
Etape 5 : Recruter les franchisés avec soin.
Les démarches précédentes accomplies, le franchiseur devra alors entamer la phase de recrutement des futurs franchisés.
Comme les autres, cette étape est fondamentale dans la mesure où une sélection trop rapide et trop peu rigoureuse des franchisés peut mener à des graves déconvenues et à des échecs individuels parfois lourds de conséquences pour l’ensemble du réseau.
En pratique, l’on constate souvent que les jeunes réseaux, animés par la volonté légitime de croître rapidement, sont souvent tentés de recruter avec moins de rigueur que les réseaux à forte notoriété.
Ce réflexe n’est jamais bon car le fait de recruter un mauvais franchisé a beaucoup plus de répercussions négatives que celui de ne pas recruter un bon franchisé.
Un autre réflexe se rencontre communément dans les jeunes réseaux : celui d’accepter beaucoup plus facilement la négociation du contrat et des conditions avec les premiers franchisés.
Là encore, il s’agit d’une erreur car elle ne valorise pas l’image du franchiseur vis-à-vis du franchisé et pourra même laisser croire à ce dernier que le réseau « brade » ses franchises du fait de la faible qualité du concept.
Enfin, le franchiseur devra impérativement, lors des premiers recrutements et de tous ceux qui les suivront, mettre en œuvre un processus de sélection rigoureux permettant, par le biais de questions et critères éliminatoires d’écarter les candidats ne correspondant pas à la philosophie du réseau.
La précipitation est donc à proscrire.
Le recrutement nécessitera souvent la mise en place d’une campagne de communication active auprès des candidats potentiels et le cas échéant, la participation à des salons professionnels.
Conclusion
La construction d’un réseau de franchise constitue un projet motivant, projet qui une fois matérialisé peut rapidement devenir un succès commercial et financier.
Cependant, le candidat franchiseur ne doit jamais oublier qu’un tel projet implique une préparation rigoureuse et des investissements non négligeables.
* L’article L 330-3 du Code de commerce prévoit en effet que la tête de réseau doit remettre à son candidat à l’affiliation, au moins 20 jours avant qu’il ne signe le contrat définitif, un document d’information précontractuelle. Ce document qui a pour objet d’informer le franchisé sur le réseau avant qu’il ne l’intègre est obligatoire lorsque le contrat intègre une obligation d’exclusivité d’activité pesant sur le franchisé.