Que vous projetiez un développement en groupement d’indépendants ou d’entreprises, éventuellement en franchise, un bon concept ne suffit pas ! Quelles sont les 1ères étapes à ne pas négliger ? Comment choisir le statut juridique le plus adapté ? Point d’étape pour créer un réseau à succès.
Par Martin Le Pechon, avocat à la Cour de Paris et spécialiste du droit des réseaux.
Chaque année, de nombreux jeunes réseaux sont créés en France, sous de multiples formes (franchise, groupement, succursalisme, concession …) et avec des moyens et des ambitions très variés.
Cependant, seuls certains d’entre eux parviennent véritablement à émerger et à prospérer.
La stagnation et l’échec peuvent être dus à toutes sortes de causes : absence de réel concept commercial, faiblesse de l’enseigne, sous-investissement de départ, mauvais recrutement …
Parmi les erreurs les plus fréquentes, un choix inadapté s’agissant du montage juridique et organisationnel. Par exemple, un réseau ayant choisi la franchise alors qu’il ne peut justifier un véritable savoir-faire. Si les franchisés sont en mesure de se retourner contre la tête de réseau… les conséquences peuvent être lourdes.
Ce type d’erreur conduit généralement à la disparition rapide du réseau.
Pour prévenir les déconvenues le porteur de projet à donc tout intérêt à mener une réflexion pointue quant au choix d’organisation juridique à mettre en œuvre pour créer son réseau.
On distingue schématiquement trois grandes familles de réseaux :
– Les réseaux d’indépendants affiliés
– Les réseaux intégrés
– Les réseaux du commerce associé
Cas 1 : le choix du réseau d’indépendants affiliés
Ce mode de développement vertical est très courant dans le commerce moderne.
Le schéma est simple : plutôt que de développer ses propres points de vente, la tête de réseau conclut des contrats avec des commerçants indépendants qui, en échange d’une contrepartie financière, se voient autorisés à exercer une activité sous l’enseigne et, le cas échéant, selon le concept de la tête de réseau.
Concrètement les membres du réseau sont donc indépendants juridiquement et, à ce titre sont maîtres de leurs profits et assument les risques de leur entreprise.
Ils demeurent néanmoins tenus de respecter les obligations prévues dans leur contrat d’affiliation.
Les formules existantes sont nombreuses, allant de modèles relativement simples à des modèles nettement plus élaborés notamment :
– Licence de marque : la tête de réseau autorise son affilié, contre redevance, à utiliser sa marque à titre d’enseigne et de signe de ralliement (ERIC STIPA, BOIS ET CHIFFONS) ;
– Concessions : l’affilié bénéficie du droit et du devoir d’utiliser l’enseigne du réseau. Il est par ailleurs tenu de distribuer exclusivement les produits du dit réseau au sein d’une zone territoriale qui lui est réservée (exemple : AFFUT’PRO, BRIOCHE DOREE, BRASSERIES FLO) ;
– Commissions-affiliation : ce schéma est particulier dans la mesure où l’indépendant affilé n’est pas distributeur mais intermédiaire de commerce sous enseigne. De fait, il n’est pas propriétaire de la marchandise qu’il vend et est rémunéré à la commission (JENNYFER, DEVRED, CHATTAWAK) ;
– Franchise : Dans ce schéma élaboré, la tête de réseau transmet à son affilié un savoir-faire et l’autorise à l’exploiter à l’enseigne du réseau. De plus, elle l’assiste tout au long du contrat pour faciliter son succès (O’KEBAP, SHOP GUN, ATLAS, CARRE BLANC…)
De multiples avantages :
- investissement beaucoup plus limité que dans un réseau intégré,
- effet de levier important,
- expansion rapide.
Il est donc particulièrement adapté aux jeunes réseaux qui, chaque année en France, plébiscitent la franchise et ses déclinaisons.
Les contraintes :
- interdiction d’imposer des prix de revente à ses partenaires,
- impossibilité de contrôler de manière absolue l’activité des affiliés qui conservent la liberté de gestion de leur entreprise,
- risque de déstabilisation du réseau en cas de mécontentement d’un nombre important d’affiliés.
Cas 2 : le choix du réseau intégré
L’expression « réseau intégré » fait référence aux entreprises qui se développent « en propre ». Cela signifie que la tête de réseau est propriétaire ou contrôle l’ensemble de ses points de ventes.
Par exemple, dans un réseau de restauration succursaliste, l’ensemble des restaurants appartient et est contrôlé par une même entité.
Un nombre important d’enseignes de renom pratiquent le succursalisme notamment lorsque l’implantation et l’exploitation des points de ventes nécessitent des fonds importants. Par exemple, Conforama et Fly.
Avantage :
La tête de réseau maîtrise très étroitement ses points de vente, fixe les prix de manière autoritaire et maîtrise le moindre détail de sa politique commerciale.
Inconvénient :
Un coût important : il est rarissime, sauf à opter pour un développement extrêmement lent, qu’un jeune réseau ait les moyens d’être propriétaire de ses points de vente dès sa création.
Cette formule est généralement celle appliquée par de grands groupes de distribution. On la rencontre aussi régulièrement dans des réseaux de franchise ou de concession qui, une fois bien installés, peuvent choisir de reprendre tout ou partie des points de vente jusqu’alors exploités par des indépendants.
On note aussi qu’un grand nombre de réseaux pratique la mixité en disposant tout à la fois de points de vente en franchise et de succursales.
Cas 3 : le choix du réseau d’indépendants associés ou « groupement »
Le Commerce associé est un autre modèle d’organisation de réseau qui a fait ses preuves depuis de nombreuses années et connaît un succès qui ne se dément pas.
Toutefois, il est moins connu du grand public que la franchise alors même que son poids dans l’économie est au moins aussi important voire supérieur* et qu’un nombre d’enseigne des plus réputées (GROUPE U, INTERMARCHE, LECLERC, GEDIMAT, KRYS, INTERSPORT, AXAL, GNCTI…) a opté pour cette forme.
Les réseaux du commerce associé ou groupements reposent, en termes de développement, sur un schéma très proche de celui des réseaux d’indépendants affiliés : les membres du groupement exploitent leur activité sous l’enseigne de la tête de réseau et selon le concept commercial de celle-ci.
Cependant, la relation entre les membres du groupement et la tête de réseau est horizontale : en plus d’être les affiliés de la tête de réseau, les membres du groupement en détiennent aussi le capital.
De fait, ils participent activement à l’orientation et aux prises de décisions stratégiques du réseau.
La relation entre les parties est contractualisée au travers des statuts de la tête de réseau et du règlement intérieur de celle-ci.
Généralement constitués sous forme de sociétés coopératives, sociétés fondées sur un postulat démocratique et égalitaire du pouvoir, les groupements peuvent cependant opter pour des formes plus libérales.
Limités à certains types de sociétés (SA, SARL, GIE, GEIE) dans les réseaux de commerçants-détaillants (article L124-15), les groupements peuvent, dans les autres cas, opter pour la forme sociale de leur choix et notamment pour la SAS à capital variable, outil d’une souplesse et d’une performance remarquables, pourtant totalement sous-exploité.
Conclusion
Le succès d’un réseau naissant est intimement lié au modèle de développement qu’il choisit. Si ce choix est erroné ou inadapté (par exemple lorsque le réseau opte pour la franchise sans avoir de savoir-faire ou lorsqu’il prétend fonctionner sous forme de groupement sans faire entrer ses affiliés au capital) son succès sera généralement compromis.
* Source : Fédération du Commerce Associé et INSEE.