Beaucoup d’indépendants ou dirigeants de TPE/PME décident aujourd’hui de mutualiser leurs forces pour négocier des tarifs plus compétitifs. Quelle structure juridique leur conseiller ? Quelles questions se poser avant de créer le groupement ? Les étapes clés à valider pour acheter groupés.
Rédigé par Martin Le Pechon, avocat à la Cours de Paris et spécialiste du droit des réseaux.
Centrales et groupements d’achat : les bons choix à faire avant de créer sa structure
L’optimisation des achats constitue pour beaucoup d’entreprises, quelle que soit leur taille, un élément primordial dans leur développement et leur compétitivité.
En effet, plus elle dispose d’une forte capacité de négociation vis-à-vis de ses fournisseurs, plus une entreprise est à même d’obtenir d’eux des tarifs et conditions commerciales attrayants.
Ce constat qui n’a rien de nouveau incite de plus en plus d’entrepreneurs à s’organiser autour de structures dédiées, communément appelées centrales d’achat ou groupements, qui leur permettent de mettre en commun leurs achats et ainsi de renforcer leur position vis-à-vis de leurs interlocuteurs fournisseurs.
En la matière, le droit français offre une vraie liberté de choix et d’action autorisant des montages juridiques performants et novateurs.
Cependant, cette liberté peut être à double tranchant car elle rend la création d’une structure d’achat particulièrement complexe.
Ainsi, un mauvais choix d’organisation, de structure juridique ou la rédaction imparfaite d’un contrat pourront considérablement nuire au développement de la structure d’achat, voire la conduire à l’échec.
En la matière, il est par conséquent important, avant de procéder au montage d’une structure d’achat comme un groupement d’achat, de bien appréhender les éléments qui différencient les centrales des groupements.
Il est également primordial, une fois le type de structure choisi, de bien l’organiser contractuellement.
Centrales et groupements : des philosophies bien différentes
Parmi les structures d’achat, on distingue généralement deux modèles juridiques distincts : la centrale et le groupement.
Si en termes d’activité, centrale et groupement poursuivent le même objectif (obtenir pour leurs membres des tarifs et conditions commerciales avantageux par le levier que procure la mise en commun des achats), c’est en termes d’organisation que ces structures se différencient l’une de l’autre :
- les centrales affilient leurs bénéficiaires par des contrats commerciaux classiques (généralement appelés « contrat d’adhésion » ou
« contrat d’affiliation »). La relation est limitée à ce seul contrat, les bénéficiaires n’étant pas par ailleurs détenteurs de tout ou partie du capital de la centrale ; - les groupements reposent quant à eux sur l’idée que chaque bénéficiaire doit détenir une participation au capital de la structure. La relation entre le groupement et ses membres est dès lors organisée par deux types de
documents : les statuts de la société et un règlement intérieur destiné à fixer les modalités de fonctionnement du groupement.
Organisation de l’activité de la structure d’achat
Une structure d’achat, qu’elle soit une centrale ou un groupement, peut organiser son activité d’achat de différentes manières.
Nous décrirons ci-dessous les trois formules les plus communément rencontrées :
La structure d’achat peut intervenir en qualité de courtier.
Lorsqu’il s’agit d’une centrale, on parle alors de « centrale de référencement ».
Au sens juridique du terme, le courtier est un intermédiaire commercial dont le rôle est de mettre en relation deux parties.
Il n’agit jamais au nom ni pour le compte de l’une d’entre elles.
Lorsqu’une structure d’achat intervient en qualité de courtier, elle sélectionne des fournisseurs avec lesquels elle négocie des tarifs avantageux au regard de la masse globale des achats de ses membres.
Elle transmet ensuite à chacun de ses membres la liste des fournisseurs sélectionnés ainsi que leurs conditions commerciales.
Lorsqu’ils souhaitent passer commande auprès des fournisseurs, les membres le font directement, sans que la structure d’achat n’intervienne.
La structure d’achat qui fait office de courtier est rémunérée à la commission dont l’assiette est généralement la masse globale des achats.
Elle peut également solliciter de ses membres ce que l’on appelle une cotisation annuelle forfaitaire ou un droit d’entrée.
La structure d’achat peut intervenir en qualité de commissionnaire.
Lorsqu’il s’agit d’une centrale, on parle alors de « centrale d’achat».
En droit, le commissionnaire est un intermédiaire opaque : il agit pour le compte de ses membres mais en son nom propre.
En pratique la structure d’achat commissionnaire fonctionne comme la structure d’achat courtier : elle sélectionne des fournisseurs dont elle transmet ensuite la liste à ses membres.
Cependant, le processus de commande est différent : lorsqu’un membre souhaite acheter de la marchandise, il ne s’adresse pas directement au fournisseur mais transmet un ordre de commande à la structure d’achat.
La structure d’achat passe alors directement commande auprès du fournisseur, en son nom, mais pour le compte du membre.
De cette façon, la structure d’achat fait écran entre le membre et le fournisseur qui croit que l’acheteur est la structure d’achat.
En réalité la structure d’achat n’est jamais propriétaire de la marchandise puisqu’elle est intermédiaire de commerce, agissant pour le compte de ses membres.
Elle est rémunérée de la même façon que la structure d’achat courtier.
La structure d’achat peut intervenir en qualité d’acheteur-revendeur.
En pareil cas, la structure d’achat se contente d’acheter en gros pour revendre à ses membres.
Elle se rémunère de manière classique en dégageant des marges sur chaque opération de vente.
Contrairement aux activités de courtier et de commissionnaire, l’activité d’acheteur-revendeur nécessite beaucoup de trésorerie et fait peser sur la structure davantage de risques.
Le montage d’une structure d’achat implique un choix éclairé dans son mode d’organisation contractuelle sachant qu’une même structure peut parfaitement exercer les trois types d’activités susvisées.
Choix de la personnalité juridique de la structure d’achat
Le choix d’une forme juridique adaptée est indispensable au bon fonctionnement de la structure d’achat.
S’agissant de la création d’une centrale, les choix se portent naturellement vers les sociétés commerciales classiques.
Parmi celles-ci, deux d’entre elles semblent plus adaptées que les autres : la société à responsabilité limitée (SARL) et la société par actions simplifiée (SAS).
La SARL est très adaptée aux petites structures et fonctionne selon un mode d’organisation simple et relativement rigide.
Elle peut être constituée par un associé unique et avec un capital social d’un euro.
Par ailleurs, le principe de responsabilité limitée sur lequel elle est fondée permet de protéger les associés qui ne répondent pas des engagements et des dettes de la société en cas de défaillance.
La SAS peut elle aussi être constituée au moyen d’un capital d’un euro et par un actionnaire unique.
Elle présente l’avantage d’offrir une souplesse statutaire beaucoup plus grande qui permet notamment, en cas de pluralité d’actionnaires, d’organiser le pouvoir de manière très libérale.
A côté de ces deux types de société, d’autres choix existent mais se révèlent nettement moins adaptés.
Il en est ainsi de l’association dont la solvabilité peut paraître douteuse et de la société anonyme dont la lourdeur et les capitaux peuvent constituer une contrainte considérable.
S’agissant de la création d’un groupement, il existe là aussi une très grande liberté en termes de choix de structure.
Le groupement pourra notamment être constitué au travers d’une société coopérative dont l’une des particularités est de reposer sur une organisation égalitaire et démocratique du pouvoir.
Ce type de structure peut cependant se révéler très difficile à gérer et assez peu moderne.
Le groupement peut aussi et surtout prendre la forme d’une société par actions simplifiée à capital variable dont la souplesse et l’organisation seront des atouts majeurs.
Conclusion
L’édification d’une structure d’achat peut se révéler extrêmement bénéfique dès lors que le montage juridique est bien réalisé.
Il importe donc de faire des choix éclairés et, compte tenu de la complexité de la matière, de bénéficier de statuts et de contrats millimétrés.