Quelles sont les spécificités des réseaux de concession ? Dans quels cas choisir ce schéma contractuel ? Quelles sont les clauses indispensables à intégrer dans un contrat de concession ? Tous les conseils de notre expert pour éviter les pièges et les erreurs !
Martin Le Pechon, Avocat à la Cour de Paris, spécialiste du droit des réseaux commerciaux
Les réseaux de concession : définition
La concession est un système de distribution par lequel un commerçant ou un industriel (le concédant) accorde l’exclusivité de la revente de ses produits à un distributeur indépendant (le concessionnaire) sur un territoire d’activité délimité.
Le plus souvent, le contrat de concession comprend également :
- une exclusivité réciproque qui interdit au concessionnaire de vendre des produits concurrents à ceux du concédant ;
- la mise à disposition du signe distinctif (marque ou enseigne) du concédant au profit du concessionnaire (exemple : concessionnaires automobiles)
Exemple :
Un fabricant de pièces de moteur, désireux de développer ses ventes et son enseigne en France, accorde à un garage situé à Niort, la revente exclusive de ses pièces dans les Deux-Sèvres. Au fur et à mesure de son développement, le fabricant pourra conclure de nouveaux contrats de concession dans d’autres zones territoriales (Maine–et-Loire, Bretagne…) afin d’élargir petit à petit la taille de son réseau et ainsi couvrir l’ensemble de la France.
Le contrat de concession contient le plus souvent des obligations d’exclusivité croisées :
- D’un côté, le concédant s’engage à ne pas confier à d’autres revendeurs que le concessionnaire, le droit de commercialiser ses produits dans le territoire contractuel concédé ;
- D’un autre, le concessionnaire s’engage à ne pas commercialiser de produits concurrents à ceux du concédant dans la zone territoriale qui lui est concédée et à s’approvisionner exclusivement auprès dudit concédant.
Comment le concédant est-il rémunéré :
- En se faisant verser, par le concessionnaire, un droit d’entrée à la signature du contrat. Ce droit d’entrée prend souvent la forme d’une somme forfaitaire qui vient rémunérer le droit pour le concessionnaire d’accéder au réseau.
- Par le paiement périodique de royalties. Ces royalties sont généralement calculées de façon proportionnelle, sur la base du chiffre d’affaires réalisé par le concédant. Le plus souvent, les royalties versées par le concédant sont de l’ordre de 5 à 10 % de son chiffre d’affaires.
Par ailleurs, – et cela est de l’essence même de la concession – le concédant génère des marges en vendant ses produits à son concédant, lequel se charge ensuite de les revendre dans sa zone.
Dans quel cas créer un réseau de concession
Franchise et concession constituent des systèmes contractuels assez proches. Cependant, la concession se distingue principalement de la franchise car elle n’impose pas de transmission de savoir-faire par le concédant au concessionnaire et n’implique pas une assistance aussi pointue.
« La concession est un modèle qui se prête avant tout à la distribution de produits, explique Martin Le Péchon. Pour autant, des réseaux de services fonctionnent également en concession, par exemple dans le domaine du courtage en travaux, de la réparation de véhicules et dans l‘immobilier. »
En pratique, les réseaux de prestations de services se tournent plus facilement vers la franchise. Pour autant, rien de les empêche de se développer en concession. De nombreux réseaux ont choisi cette option. Par exemple, des réseaux de remplacement de pare-brise.
Rappel sur la franchise : accord par lequel un opérateur appelé franchiseur concède – le plus souvent dans une zone géographique exclusive – à un commerçant indépendant appelé franchisé, le droit et le devoir d’utiliser son savoir-faire et sa marque ou enseigne et lui offre une assistance technique ou commerciale.
Comment choisir ?
Pour Martin Le Péchon, « En matière de réseaux commerciaux, de multiples schémas contractuels sont envisageables. Le choix d’une entreprise dans l’organisation de son réseau ne sera pas forcément transposable dans une entreprise concurrente. Voilà pourquoi, avant de choisir la concession, la franchise, la distribution sélective, ou toute autre forme de réseau, mieux vaut faire appel à un spécialiste. Il saura analyser vos besoins et vous proposer le type de réseau le plus adapté à votre situation, en tenant compte des spécificités de l’entreprise. »
Quelques clauses essentielles du contrat de concession
Clause relative à la zone d’exclusivité
Elle doit être très précisément décrite, afin qu’il n’y ait aucune confusion possible entre la zone de revente d’un concessionnaire et celle d’un autre. Pour être le plus précis possible, Martin Le Péchon n’hésite pas à ajouter en annexe du contrat, la représentation graphique de la zone du concessionnaire.
Clause concernant les produits ou services sur lesquels porte l’exclusivité
Les produits ou services qui font l’objet de l’exclusivité doivent être décrits avec précision.
A défaut, des divergences dans l’interprétation du contrat pourront donner lieu à des contentieux entre le concédant et son concessionnaire.
Clause concernant les conditions d’usage de la marque et de ses signes distinctifs
Lorsqu’il est autorisé, l’usage de la marque du concédant par le concessionnaire doit être évoqué dans le détail. « Mieux envisager tous les cas de figure d’utilisation de la marque, explique Martin Le Péchon, en effet les contentieux en la matière sont fréquents. »
Obligation de non-concurrence du concessionnaire
Le contrat doit prévoir, le cas échéant, une obligation de non-concurrence pour le concessionnaire.
Cette dernière doit être délimitée avec précision.
S’agissant des limites territoriales fixées à l’activité du concessionnaire, le contrat devra distinguer :
- les ventes actives (démarchage, publicité, communication)
- les ventes passives (simple réception de la commande d’un client)
En effet, si le concessionnaire ne peut ni démarcher, ni communiquer hors zone, il ne peut refuser de vendre à des clients résidant hors de sa zone de revente, dès lors que ces clients se sont présentés à lui spontanément.
Durée de la concession et règles d’interruption du contrat
La plupart des contrats de concession est signée pour une durée déterminée, il convient donc de la préciser.
Les co-contractants pourront également prévoir les causes de rupture anticipée du contrat.
Fixer la rémunération du concédant
Le contrat doit indiquer de manière très précise, le montant et les modalités de la rémunération du concédant par le concessionnaire.
Le cas particulier des concessions automobiles
Attention : La concession est un système très courant dans le secteur de la distribution automobile.
En droit des contrats, il n’existe aucune règle spécifique à ce type d’accords qui restent, tout comme les concessions conclues dans d’autres domaines de l’économie, soumis au droit commun des contrats, c’est à dire aux règles générales du droit des obligations telles que détaillées dans le Code civil.
Cependant, le contrat de concession automobile est soumis à un régime particulier en matière de droit de la concurrence.
En effet, alors qu’il existe un texte communautaire commun à tous des contrats de distribution (règlement d’exemption du 22 décembre 1999) qui vient fixer les grands principes du droit de la concurrence en ce domaine (notamment en termes de liberté des prix de revente, d’exclusivité territoriale, de clause de non concurrence …) , le droit de la distribution automobile est quant à lui soumis à un texte spécifique (règlement d’exemption du 31 juillet 2002) qui tient compte des particularités de ce secteur.
Le conseil de l’expert
Le contrat de concession, tout comme le contrat de franchise est d’autant plus pertinent qu’il envisage toutes les spécificités des entreprises membres du réseau.
Il doit être rédigé avec soin, de manière à la fois simple et pointue, en tenant notamment compte des règles du droit de la concurrence et du droit des contrats.
Le cas échéant, sa signature devra être précédée, tout comme en franchise, de la remise d’un document d’information précontractuelle.
Dans tous les cas, s’agissant d’un contrat technique, il implique l’intervention d’un spécialiste du droit de la distribution et des réseaux commerciaux.