Par Martin LE PECHON, Avocat à la Cour de Paris
La marque commerciale constitue un instrument essentiel à la réussite dudit réseau. Mode d’emploi juridique de la licence de marque avec notre expert.
Définition
La licence de marque est un contrat par lequel le titulaire d’une marque confère à un tiers (le licencié) le droit d’apposer ladite marque sur ses propres produits et/ou d’en faire un usage commercial, notamment à titre d’enseigne.
La licence de marque peut être accordée à titre onéreux, soit contre versement d’une somme forfaitaire, soit en contrepartie de redevances proportionnelles, généralement fonction du chiffre d’affaires du licencié.
La licence peut également être consentie à titre gratuit.
Son utilisation, en pratique
La solidité d’un réseau commercial est fonction de son homogénéité et de sa capacité à se démarquer de ses concurrents.
Ce signe distinctif revêt en effet une double fonction économique :
- Individualiser les produits et services qu’il désigne
- Servir d’outil de communication et de marketing, notamment lorsqu’il est utilisé à titre d’enseigne.
Voilà pourquoi, qu’il s’agisse de réseaux très organisés ou de réseaux plus informels, il est fréquemment prévu que les membres bénéficient contractuellement du droit d’utiliser la marque de la tête de réseau, notamment à titre d’enseigne.
En matière de franchise, la mise à disposition d’un ou plusieurs signes distinctifs constitue même une des caractéristiques essentielles et nécessaires du contrat.
En pratique, cette mise à disposition est formalisée :
- Dans le contrat d’affiliation au réseau (par exemple : contrat de franchise, contrat de commission-affiliation), lequel intègre le plus souvent une « clause de marque et d’enseigne»
- Plus rarement, dans un contrat ad hoc ne portant que la question de la marque.
D’un point de vue juridique, cette mise à disposition s’analyse en une licence de marque au sens du deuxième alinéa de l’article L 714-1 du Code de la propriété intellectuelle1.
Pour être valable et présenter un intérêt pour le bénéficiaire, la licence de marque doit porter sur un signe à la fois fort d’un point de vue commercial mais aussi et surtout juridiquement valide.
Par ailleurs, bien qu’échappant à tout formalisme légal, le contrat de licence de marque doit faire l’objet d’un écrit et être précis quant aux obligations de chacune des parties.
« Les droits attachés à une marque peuvent faire l’objet en tout ou partie d’une concession de licence d’exploitation exclusive ou non exclusive ainsi que d’une mise en gage ».
Forme de l’accord de licence
En théorie, la licence de marque peut être donnée oralement, sans qu’aucun écrit ne soit nécessaire pour matérialiser l’accord
En pratique, ce principe doit être nuancé puisque la licence doit impérativement faire l’objet d’une inscription au Registre de l’INPI pour être opposable aux tiers.
Dans les faits, il est par conséquent indispensable de formaliser la licence par contrat écrit.
Au surplus, pour éviter les conflits et déconvenues, les parties auront le plus grand intérêt à consigner sur papier leurs obligations respectives ainsi que la portée de la licence.
En matière de réseau, ainsi qu’indiqué précédemment, la mise à disposition de la marque pourra être formalisée :
- Soit dans un dispositif spécifique directement intégré dans le contrat cadre d’affiliation
- Soit dans un accord de licence de marque uniquement consacré à la question de la marque (tel est le cas dans les réseaux commerciaux dits de licence de marque ou les affiliés n’adhèrent que pour pouvoir faire usage d’une marque ou d’une enseigne reconnue).
En ce sens : Cour d’Appel de Paris, 4e chambre, 8 avril 1998.
Caractéristiques de la marque donnée en licence
La mise à disposition d’une marque n’a de sens que si cette dernière est juridiquement valide et commercialement solide.
Pour être valide d’un point de vue juridique, la marque doit avoir un caractère distinctif, c’est à dire :
- Ne pas comporter d’élément de nature à tromper le public sur les caractéristiques des produits ou services qu’elle désigne
- Ne pas se contenter de décrire ces mêmes produits ou services4 .
Par ailleurs, une marque est commercialement forte lorsqu’elle est arbitraire, se distingue nettement des signes déjà existants et ne se cantonne pas à l’assemblage de termes peu ou pas distinctifs.
Même juridiquement valide, une marque n’ayant que très peu de distinctivité sera difficile à défendre sur le fondement de la contrefaçon.
A ainsi été jugée déceptive la marque « Supermint », cette dernière servant à désigner des produits ne contenant pas de menthe. Cour d’Appel de Paris, 4e chambre, 12 décembre 1978.
Est par exemple considéré comme descriptive, la marque « Etalon » pour désigner un ouvrage sur les chevaux. TGI de Paris, 3e chambre, 11 janvier 1989.
Eléments essentiels du contrat de licence de marque
Exclusivité territoriale
Le plus souvent, il est intégré au contrat de licence de marque, une clause d’exclusivité territoriale au terme de laquelle il est interdit au titulaire de la marque d’utiliser et d’exploiter cette dernière, dans la zone contractuelle.
Lorsque la marque est solide et renommée, l’existence d’une exclusivité contractuelle justifie une contrepartie financière élevée à la charge du licencié.
En général, le licencié ne peut lui-même vendre de produits marqués ou exploiter la marque, hors de la zone qui lui est réservée.
Tout manquement à cette obligation ferait de lui un contrefacteur au sens du Code de la propriété intellectuelle.
Dans ces conditions, pour éviter les divergences d’interprétation, sources de conflit entre les parties, il est impératif de faire en sorte que la clause d’exclusivité soit claire et précise, tout comme celle définissant le territoire.
Licence totale ou partielle
La licence de marque peut n’être que partielle, c’est à dire ne porter que sur certaines des catégories de produits ou services visées dans le certificat d’enregistrement.
En cas de licence partielle, il est fondamental d’énumérer très précisément dans le contrat, l’étendue des droits accordés au licencié.
Durée
Le contrat de licence peut être conclu pour une durée déterminée.
Dans un tel cas, il ne pourra prendre fin qu’à l’arrivée du terme ou en cas de faute grave de l’une des parties signataires.
Les cocontractants peuvent également décider de s’engager pour une durée indéterminée.
Cette solution est plus souple puisqu’elle permet de rompre à tout moment la relation, moyennant respect d’un délai de préavis suffisant que les signataires auront tout intérêt à prévoir contractuellement.
Par contre, il est évident que la durée indéterminée de l’accord créerait une certaine insécurité juridique.
Information précontractuelle
Les contrats d’affiliation combinent bien souvent licence de marque et obligation exclusive (notamment d’approvisionnement) à la charge de l’adhérent.
Il en est ainsi dans les accords de franchise.
Dans un tel cas de figure, le donneur de licence (la tête de réseau) devra, au titre de l’article L 330-3 du Code de commerce, remettre à son partenaire au moins 20 jours avant la signature du contrat, un document d’information précontractuel lui permettant de s’engager en toute connaissance de cause.