Journaliste et chroniqueur radio, Pascal Le Guern est un habitué des débats publics. Il nous livre aujourd’hui tous les trucs qui lui ont permis de guider les échanges les plus délicats lors de conférences, rencontres publiques entre entrepreneurs, séminaires… Découvrez ses solutions face à tout type de participant, du plus sceptique au plus provocateur !
Chroniqueur à France Info, Pascal Le Guern suit l’actualité des entreprises. Il est l’auteur de plusieurs livres. Son dernier ouvrage, édité aux Editions Maxima / Laurent du Mesnil et co-écrit avec Philippe Lecaplain, s’intitule « Savoir communiquer avec la presse. Guide de media training et règles de prise de parole en public ».
Les règles du jeu des Questions/Réponses
Un jeu de Questions/Réponses avec la salle est toujours apprécié. Il se déroule généralement bien à condition d’être correctement encadré. Prévoyez quelques hôtesses pour passer le micro et surtout préparez une ou deux vraies/fausses questions. En effet, les premières minutes d’échanges sont souvent un peu difficiles. Aussi pour amorcer une séquence interactive, nous vous conseillons de vous mettre d’accord avec une ou deux personnes qui poseront les premières questions.
Ce jeu des Questions/Réponses comporte plusieurs phases :
- L’écoute : les personnes qui vont vous poser des questions ne sont peut-être pas aussi brillantes que vous à l’oral. Laissez-leur quelques secondes pour poser leur question sans répondre précipitamment. En revanche si quelqu’un commence à raconter sa vie et monopolise la parole, n’hésitez pas à le rappeler à l’ordre : « Et quelle est votre question ? ».
- La clarification éventuelle de la question : ne répondez pas à la va-vite en risquant d’être à côté de la plaque. Vous pouvez répéter vous-même la question, voire la reformuler.
- La réponse : répondez de manière concise sans faire de multiples digressions. Demandez éventuellement au questionneur si votre réponse lui paraît claire.
Des perturbateurs dans la salle
Si dans la majorité des cas, les interventions en public se déroulent sans heurt (heureusement !), il arrive que des éléments perturbateurs viennent parasiter votre discours, notamment lorsque les assemblées sont restreintes (dans une réunion d’une vingtaine de personnes par exemple) et surtout quand les participants peuvent poser des questions. Pas facile alors de gérer l’imprévu.
Voici quelques-uns des profils que vous pouvez (malheureusement !) côtoyer et quelques conseils pour les contrer. La liste est évidemment loin d’être exhaustive.
Le savant
Il cherche à vous piéger pour briller devant ses collègues et tente de vous faire passer pour un imbécile. Il estime détenir la vérité. Prudence : il est possible qu’il ait bûché les différents points que vous allez aborder et qu’il les connaisse aussi bien que vous.
Conseil
– Ne le blessez pas car il est peut-être orgueilleux. Mieux vaut le valoriser.
– Si vous connaissez la réponse, donnez-là lui. Si vous ne la connaissez pas, vous pouvez la lui demander : il la connaît certainement.
– S’il a tendance à poser trop de questions, arrangez-vous pour qu’il dérange tout le monde. Il va vite énerver l’ensemble de la salle.
Le malin
Il pinaille. Il cherche le grain de sable pour vous mettre en porte-à-faux.
Conseil
– N’opposez pas de résistance directe. Acceptez ses remarques, mais ne rentrez pas dans son jeu.
– Ne vous déstabilisez pas et recadrez ce que vous voulez dire.
Le provocateur
Il parle tellement fort qu’il vrille les tympans des personnes assises près de lui. Il ne pose pas forcément de question, mais il a surtout envie de s’exprimer en émettant une opinion contraire à la vôtre.
Conseil
– Ne descendez pas de scène pour lui casser la figure !
– N’écoutez que le fond, ne vous laissez pas emporter par la forme.
– Ne vous laissez pas impressionner.
– Laissez un petit temps mort après son intervention, il va sans doute en rajouter.
– Ne répondez qu’à une seule question à la fois.
– Répondez à la question sans reprendre les mots négatifs de votre interlocuteur.
– S’il n’a pas de question : « C’est ce que vous pensez. Merci pour cette intervention ».
– Ne le tournez pas en dérision. Calmez le jeu.
Le malentendant
Il semble n’avoir pas écouté. Il vous pose la question à laquelle vous venez à l’instant de répondre. Il a tout compris de travers.
Conseil
– Profitez-en pour reformuler ou répéter.
– Peut-être n’avez-vous pas été clair. Reprécisez en changeant de mots. Employez des comparaisons qui lui seront familières.
Le partisan
Il vient étayer vos dires. Il en rajoute un peu. Il redit la même chose que vous.
Conseil
– Laissez-le intervenir mais rapidement.
– Sachez rebondir sur ses propos.
– Remerciez-le.
Le pitre
Il déforme vos propos. Il commente à voix haute pour faire rire les gens qui sont près de lui.
Conseil
– Mettez les rieurs de votre côté.
– Si c’est flagrant, ne faites pas comme si vous n’aviez rien entendu. Répondez calmement et avec humour.
– Prenez son intervention comme une récréation dans votre prestation. Donnez la parole à quelqu’un d’autre puis reprenez le fil de votre intervention.
– Si sa manifestation est répétitive et excessive, remettez-le en place.
Le retardataire
Il arrive avec quelques minutes de retard, parfois discrètement, parfois dans un chaos total.
Conseil
– Si c’est un cas de force majeure, il est excusable. Si c’est une habitude ou s’il se fait remarquer exagérément, un regard tueur et un silence glacial devraient vite le calmer.
– Reprenez un point important de votre discours pour “que tout le monde soit bien au courant” !
Le dormeur
Il ne s’intéresse pas à vos propos. Le repas était probablement trop lourd. Le rythme de votre intervention lui paraît peut-être trop lent. Il s’ennuie.
Conseil
– Variez le ton de votre voix pour le réveiller en douceur.
– Rapprochez-vous de lui.
– Regardez-le souvent.
– Utilisez son savoir pour l’intégrer dans le dialogue.
L’orgueilleux
Il se sent « au-dessus » de toute l’assistance. Il fait jouer son ancienneté. Il en a vu d’autres.
Conseil
– Ne le froissez pas et mettez-le en valeur.
– Faites-le « mousser » en reprenant quelques-uns de ses mots : « Comme vous le disiez tout à l’heure… ».
– Faites-le brièvement parler de son vécu.
– Donnez-lui éventuellement un rôle de synthèse.
L’adversaire
Il cherche à entrer en concurrence avec vous. Il exprime un sentiment de supériorité.
Conseil
– Rappelez que vous êtes le maître de cérémonie.
– Promettez un échange informel de questions éventuellement après la présentation.
– S’il prend la parole un moment, annoncez-lui d’entrée de jeu le nombre de minutes que vous lui accordez.
– Evitez qu’il ne rallie des supporters.
– En cas de débordement, appuyez-vous sur le programme et les temps dévolus à chaque thème traité. Faites mine d’être désolé de devoir l’interrompre.
Le sceptique
Il n’attache pas grand crédit à ce que vous dites.
Conseil
– Retournez-lui ses questions : « Bonne question. Et quelle solution préconisez-vous ? ».
Gérer les questions pièges en faisant passer votre message
Retourner la question :
Réponse : « Pourquoi me posez-vous cette question ? ».
Jouer des mots et expressions charnières :
Réponse : « Votre question ne doit pas faire oublier que… ».
Remettre en cause la question :
Réponse : « Je crois que le véritable problème est ailleurs… ».
Aller du général au particulier ou inversement :
Question : « Sur le Liban, on ne peut pas dire que la sécurité soit un point fort de vos prestations ».
Réponse : « Vous me parlez du Liban alors que nous couvrons plus de 160 pays différents. Et notez qu’une enquête récente prouve au contraire que nous sommes parmi les mieux placés pour… ».
Grossir le trait jusqu’à rendre ridicule l’argument de votre contradicteur :
Réponse : « Nous pourrions, bien entendu, nous laver les mains 600 fois par jour pour éviter les maladies nosocomiales ».
Utiliser un argument d’autorité :
Réponse : « Selon l’ART (Autorité de Régulation des Télécommunications), nous sommes parfaitement dans un cadre légal ».
Refuser le mauvais rôle :
Question : « Les experts envoyés sur place pensent que… ».
Réponse : « Lesquels ? Ceux de notre compagnie d’assurance jugent au contraire que… ».
Changer de registre en passant de raisonnements techniques à des raisonnements affectifs ou inversement :
Réponse : « Vous savez les chiffres, on peut leur faire dire ce qu’on veut. Moi ce que je vois c’est que 120 personnes se retrouvent sur le carreau ».
Quelle que soit la question et le ton de l’intervieweur, gardez toujours votre sang froid. Ne soyez jamais agressif. Le public prend toujours la défense de celui qui est agressé. Un seul mot d’ordre : empathie. « Oui, je comprends bien ce que vous me dites… » et vous donnez vos arguments !
Répondre aux questions d’une salle est souvent un bon moyen d’accroître votre crédibilité auprès des auditeurs. Malheureusement, nul n’étant infaillible, il peut vous arriver de ne pas savoir. Il est préférable d’admettre ses lacunes que de répondre à côté. Si la réponse n’est pas dans vos notes, vous pouvez éluder intelligemment la question par des formules telles que : « Je n’ai pas en tête la réponse à votre question mais si vous me laissez vos coordonnées, je vous l’enverrai » ou encore « Cette question mérite réflexion. Nous y reviendrons ultérieurement ». Si le questionneur insiste, renvoyez l’interrogation à l’assistance.