Depuis la sortie de son ouvrage Service compris, Philippe Bloch est le gouru des entreprises sur le sujet. Et qu’est-ce qu’un réseau, sinon le lieu où se rendre mutuellement des services ? Raison de plus pour lui demander de nous livrer quelques bonnes pratiques extraites de son dernier ouvrage.
Avec Philippe Bloch, auteur de Opération boomerang, Ventana Éditions. Disponible en quadruple play : applis, email, ebook, livre.
Si vous n’y arrivez pas seul regroupez-vous !
Quand on est une petite entreprise et que l’on manque de moyens financiers, on rêve souvent d’être gros, riche et puissant afin de pouvoir mener tous ses projets de front. C’est oublier que lorsque l’on devient gros, riche et puissant, on perd souvent son appétit, on manoeuvre moins vite son bateau (mieux vaut piloter un catamaran qu’un supertanker dans l’économie d’aujourd’hui) et son organisation devient si complexe que l’on passe plus de temps à la gérer qu’à se préoccuper de ses clients dont on ne cesse de se distancer. C’est oublier surtout que la contrainte révèle toujours le talent, à défaut de le créer. Et qu’être petit oblige à être malin, ce qui revient à regrouper ses compétences avec celles d’entreprises qui partagent ses valeurs.
Vous êtes électricien, et vos clients aimeraient bien vous confier leur chantier de rénovation, mais ils souhaitent avoir un interlocuteur unique ? Pourquoi ne pas vous associer avec un maçon, un plombier, un carreleur et un peintre avec lesquels vous vous entendez bien, et dont vous êtes certain qu’ils auront toujours comme vous le souci du détail et du travail bien fait ? Nul besoin d’association capitalistique. Chacun chez soi. Mais tous unis pour vos clients ! Largement pratiqué dans le bâtiment, cette technique peut s’appliquer à tous les secteurs d’activité, l’essentiel étant de bien choisir des partenaires dont on est certain de la fiabilité. Car leur image devient votre image, et vice-versa. Vous rêvez d’embaucher un collaborateur aux compétences spécifiques pour mieux satisfaire vos clients, mais vous n’avez pas les moyens de le payer à temps plein ? Pourquoi ne pas le partager avec d’autres entreprises ayant les mêmes contraintes que vous ? Les possibilités sont innombrables, dès lors que l’on se met en « position partage ». Listez tout ce que vos moyens ne vous permettent pas de faire actuellement, et demandez-vous avec qui vous pourriez collaborer : groupement d’employeurs, fournisseurs, concurrents (pourquoi pas ?), etc.
Chaque détail témoigne du respect que vous portez aux gens
Petite anecdote qui illustre parfaitement ce respect de l’autre qui est la force des Japonais, et qui nous fait parfois si cruellement défaut. Revoyant à Paris le président d’un grand groupe industriel nippon à qui un homme d’affaires avait offert un stylo de faible valeur quelques années plus tôt, celui-ci l’avait sidéré en sortant ce même stylo de sa veste pour prendre des notes à l’occasion d’un déjeuner de travail. Rien de plus normal pour ce patron japonais, élevé dans le culte de la considération et du détail.
En France, n’importe quel président aurait immédiatement offert ce stylo à sa secrétaire à son retour en lui disant : « Jeanine, je rentre de Tokyo où l’on m’a offert ce truc sans intérêt. .. Vous le voulez ? ». Une illustration supplémentaire du « modèle français » … Car non seulement une telle attitude est insultante pour Jeanine, mais en plus elle prive notre ami d’une opportunité d’impressionner son interlocuteur à l’occasion de leur prochaine rencontre. Etes-vous certain de ne pas lui ressembler un peu ? N’avez-vous pas en tête une occasion où vous vous êtes comporté de façon méprisante à l’égard d’un partenaire, un fournisseur, un collaborateur ou un client, et qui aurait pu être utilement mise à profit pour vous différencier de vos concurrents ?
Je voulais simplement vous souhaiter une bonne année !
Et si vous profitiez de la nouvelle année pour renouer le contact avec vos clients, partenaires, fournisseurs… et concurrents, en appelant chaque jour du mois de janvier douze d’entre eux (ou dix, ou vingt !) ?
Ne vous fixez aucun autre objectif que de leur souhaiter sincèrement une bonne année, et n’ayez surtout aucun objectif commercial ou mercantile en tête. Dites leur simplement que vous pensiez à eux en ce début d’année, et que cela vous faisait plaisir de prendre quelques minutes pour le leur dire. Prenez de leurs nouvelles, et efforcez-vous d’être le plus pertinent possible : évoquez une anecdote, une rencontre, une discussion que vous partagez avec eux et qui vous rapproche. A une époque où chacun se débarrasse de ce qu’il considère comme une « corvée » en multipliant SMS et autres e-mails « copiés-collés », une telle attitude ne passera pas inaperçue.
Avec un peu de discipline et de rigueur, vous devriez être ainsi capable de contacter près de deux cents personnes, qui sont parmi celles qui comptent le plus pour vous dans votre vie professionnelle. Imaginez maintenant que 100 % de vos collaborateurs, qu’ils soient vendeurs, comptables ou livreurs, fassent le même exercice, et ce sont des milliers de personnes qui vont se dire « WOW, cette entreprise est vraiment différente des autres ! » Maintenant arrêtez d’imaginer, et FAITES-LE, vous et 100 % de vos équipes. Cette année… et chaque année !
Quand la curiosité n’est pas un vilain défaut…
Vous connaissez l’histoire de cet homme d’affaires invité à dîner chez des amis, et qui voit arriver un couple qu’il ne connaît pas ? Lui a l’air sympathique, et elle est… inattendue !
Robe moulante, décolleté plongeant « recto-verso », talons aiguille, maquillage appuyé. Elle n’a pas la réputation d’être dotée d’une intelligence « digne d’un Prix Nobel », mais « elle en jette » ! Notre homme tombe vite sous le charme.
Heureusement pour lui, la maîtresse de maison l’a placée face à lui à table. A peine assis, la « bimbo » interroge son voisin de table sur ce qu’il fait dans la vie, les yeux brillants de plaisir. Et lui de raconter la façon dont il a créé son entreprise à vingt ans, son parcours, ses innombrables succès professionnels, ses passions, ses projets, etc. A la fin du dîner, il ne sait toujours rien d’elle. Trop occupé à répondre à ses questions, il ne s’est même pas aperçu qu’il ne lui en a posé aucune. La soirée touche à sa fin, il prend congé et quitte les lieux en compagnie d’autres invités auprès desquels il ne peut s’empêcher de partager son enthousiasme : « Vous la connaissiez, cette Françoise ? Quelle fille brillante, une intelligence fine et remarquable ! ».
Brillante, intelligente … ou plutôt curieuse des autres et dotée d’une bonne capacité d’écoute ? Si l’histoire ne révèle pas le QI de cette personne, elle rappelle combien l’intérêt que l’on porte aux autres peut être une arme fatale de séduction. Au cours d’un dîner entre amis aussi bien qu’avec des clients ! Contrairement au dicton, la curiosité n’est pas un « vilain défaut », mais un état d’esprit qui se traduit par la capacité à poser des questions qui témoignent de notre envie de connaître, de comprendre, de s’enrichir des autres. Que vous soyez d’un naturel plutôt réservé, ou bien du genre à occuper tout l’espace, forcez-vous à vous intéresser aux autres en apprenant à poser les bonnes questions aux bons moments.
Programmez une journée « Vis ma vie »
Organisez dans votre entreprise une journée « Vis ma Vie ».
L’idée est simple: afin que fonctions, services et départements cessent de se rejeter en permanence la responsabilité des dysfonctionnements de votre entreprise (le fameux syndrôme du « C’est pas moi, c’est l’autre »), choisissez une date où chaque année, les comptables rendront visite à des clients, les commerciaux passeront une journée à l’administration des ventes, les « marketeurs » se feront vendeurs dans l’un de vos points de vente, les juristes travailleront dans votre call center, etc.
La productivité ne sera certes pas à son apogée ce jour-là, mais bien des préjugés s’en trouveront réduits à néant. Plutôt que de voir dans ses collègues d’éternels privilégiés (« Les gars du siège n’en rament pas une », « C’est facile pour un vendeur de promettre la lune, quand ce n’est pas lui qui la livre ou la répare », « Si seulement les commerciaux savaient remplir correctement leurs notes de frais », etc.), chacun sera forcé de considérer l’autre avec une plus grande bienveillance, et c’est le client qui au final en bénéficiera. Attention toutefois ! Une telle journée se prépare minutieusement, et il est important que les leçons apprises à cette occasion soient largement partagées et diffusées dans toute l’entreprise.
Multipliez les actes aléatoires de gentillesse
Toujours premiers en matière de bonnes pratiques, les Américains ont baptisé celle-ci « Random Act of Kindness » (RAK). Traduction littérale : acte aléatoire de gentillesse (je sais, ça sonne plus fun en anglais, de la même façon qu’une course poursuite avec une voiture de police américaine toutes sirènes hurlantes dans un film made in Hollywood fait toujours plus rêver que le même rodéo réalisé avec une Peugeot 308 et son Pin-Pon made in Saint-Denis !). Mais le concept marche bien quelle que soit la langue utilisée, puisque c’est celle du coeur.
De quoi s’agit-il ? Ni plus ni moins que d’imaginer une attention personnelle ayant un lien direct avec les goûts ou les affinités de l’un de vos clients, qui lui est délivrée au moment où il s’y attend le moins, dans un lieu le plus souvent improbable et en s’appuyant généralement sur les nouvelles technologies. Effet WOW 100% garanti. Initiée par KLM, cette pratique cartonne à chaque fois qu’elle est mise en oeuvre de façon intelligente et non intrusive. Ayant observé l’oisiveté de ses clients avant d’embarquer, la compagnie aérienne néerlandaise décida un jour de transformer l’ennui en surprise. En s’appuyant sur des applications telles que Foursquare ou Twitter, au travers desquels les passagers envoient dans la nature une multitude d’informations sur l’endroit où ils se trouvent et sur ce qu’ils font à un instant T, une équipe dédiée commença à repérer ces derniers en temps réel, effectua ensuite une recherche rapide sur les réseaux sociaux pour connaître leurs goûts et leurs éventuelles passions, avant de leur livrer des cadeaux personnels au sein même de l’aéroport. A l’arrivée comme au départ. C’est ainsi qu’à peine posé le pied sur le sol américain où elle s’apprêtait à courir un marathon, une cliente de KLM se vit offrir un podomètre en guise de cadeau de bienvenue et d’encouragement (…) Ou comment une bonne idée peut faire de vous une légende du service (…)
Encore peu pratiqués en France, les actes aléatoires de gentillesse sont aujourd’hui une formidable opportunité pour se différencier. Efforcez-vous de suivre régulièrement ce qui se dit à propos de votre entreprise sur les réseaux sociaux, et imaginez comment être l’un des premiers de ce côté-ci de l’Atlantique à surprendre vos clients d’une façon aussi mémorable. Qui sait, un seul tweet fera peut-être de vous une marque de légende au royaume du service…