Lors d’une soirée réseau, il est aussi difficile que nécessaire de se faire remarquer. Lors d’une présentation, vous devez pouvoir répondre sans être pris de court à toute question, critique ou objection. Votre sens de la répartie peut alors devenir un atout décisif. Sachez le développer quelles que soient vos dispositions, en restant toujours vous-même.
Qu’est-ce qu’une répartie ?
Pour Antoine Chéreau, dessinateur de presse, c’est un don très inégalement partagé. Et quand Bernard Sananès, psychologue et formateur, suggère qu’un travailleur appliqué peut parfois surpasser un doué qui se repose sur ses acquis, notre humoriste répond « possible, mais entre un Olivier de Kersauson et une Mireille Mathieu, il y a de la marge ! ». Arnaud de Staël, coach de dirigeants, tempère en distinguant deux formes de réparties : « On considère trop souvent la répartie sous l’angle de l’affrontement, comme une réaction ou une offensive, pour briller et avoir le dernier mot ». Il est vrai que dans ce registre, les exemples abondent et les dessins de Chéreau en donnent un bon échantillon…
« Une répartie, enchaîne Arnaud de Staël, peut être très constructive. L’objectif est alors de faire avancer ou de relancer une conversation ». Savoir simplement aider votre interlocuteur à trouver le mot juste peut suffire. Vous pouvez aussi ne faire que reprendre ses propos mais en les reformulant avec un trait d’humour ou par l’absurde. »
Ainsi la répartie est avant tout une attitude et plutôt une réactivité à une situation, une émotion, qu’un talent proprement dit. « En général, ce sont ceux qui veulent trop maîtriser les choses qui se débrouillent le moins bien dans cet exercice, poursuit Bernard Sananès. Tandis qu’ils cherchent le bon mot à placer, ils restent cois, ne sont pas assez attentifs et, quand ils ont trouvé, la conversation a déjà viré sur un autre sujet ». On tombe alors dans « l’esprit d’escalier », cette idée à retardement, conclut Arnaud de Staël qui est l’exact opposé du « trait d’esprit », lequel surprend tout le monde par sa spontanéité, y compris parfois son auteur lui-même.
Comment bien se préparer pour faire preuve de répartie ?
Pour peu que nous y soyons prêts, la répartie et le « trait » d’esprit jaillissent spontanément comme une expression de l’inconscient. Pour un professionnel de la réplique comme Alan Boone, professeur d’art dramatique, la clé de la réussite réside dans l’écoute. Et de citer Louis Jouvet déclarant à un élève :
« Le théâtre, c’est simple : tu écoutes. Et tu réponds ».
Nos coachs et formateurs confirment ce postulat : avec une bonne écoute, le plus dur est fait. « Pratiquez une écoute active conseille Arnaud de Staël. Laissez-vous absorber par les propos de votre interlocuteur, en restant attentif au ton de sa voix, à tout ce qu’il laisse exprimer de ses émotions ». Cette vigilance particulière a le mérite de tamiser vos propres émotions de telle sorte qu’elles ne vous submergent pas. Trop centré sur ce que vous ressentez, vous risquez de rester stupéfait à la première escarmouche. Pour Antoine Chéreau, ce phénomène de distanciation, cher aux psychologues, revient simplement à ne pas trop se prendre au sérieux…
Cette mise en condition est la même dans la pratique des arts martiaux. Jean-Roger Dimur, ex-entraîneur de l’équipe nationale de Kung-fu observe qu’en situation de combat, « esquiver un coup et contre-attaquer sont des répliques par excellence ! » Adapté au contexte professionnel, il conseille, non seulement de se tenir prêt, mais d’être d’accord avec l’idée de débattre : « on est là pour ça ! », sans agressivité, ni calcul prémédité, il n’y a plus d’adversaire, mais un partenaire qui vous donne l’opportunité d’exprimer le meilleur de votre technique. »
Trucs et astuces pour travailler votre répartie
« Soyons clair, annonce Bernard Sananès, pour l’art de la répartie, il n’y a pas de mode d’emploi. C’est comme pour tenir sur un vélo, il faut un apprentissage personnel et quelques chutes pour y arriver par soi-même. » Voici pourtant quelques trucs qui peuvent, comme les petites roues du vélo, vous aider à vous lancer…
Exercice : En voiture, écoutez une émission à la radio et imaginez que vous êtes un des invités en direct. Tout en conduisant, laissez-vous aller à intervenir en parlant à haute voix. Mobilisé par la conduite, à la fois attentif et en retrait, vous allez certainement faire preuve d’à-propos et produire d’excellentes répliques qui vous surprendront vous-même.
Exercice :
Faites des mots-croisés créatifs. C’est une excellente gymnastique intellectuelle car partir d’une définition créative pour trouver le mot, c’est comme effectuer une répartie à l’envers !
Exemple :
Q : Le moment de sortir de la baignoire pour aller au lavabo.
R : L’entracte au théâtre.
Outils :
Pour répondre du tac-au-tac, vous pouvez vous appuyer sur des vérités générales, des dictons de la sagesse populaire, des morales de fables, ou même des blagues courtes qui se prêtent à la situation. Elles vous laisseront le temps pour embrayer soit sur une autre phrase de ce type ou sur une formulation plus personnelle.
Exemples :
- Le prix s’oublie, la qualité reste
- Nul n’est prophète en son pays
- On ne peut pas plaire à tout le monde
- Tout flatteur vit aux dépens, etc.
Certains débuts de phrases peuvent servir de tremplins pour activer une réplique qui peut venir dans la foulée.
Exemples :
- « Si je comprends bien, vous trouvez que… (+ reformulation du propos de votre interlocuteur)
- « Je dirais même plus… (+ précision, mot juste, reformulation, voire répéter comme les Dupondt mot pour mot ce qui vient d’être dit)
- « J’aime bien votre façon de voir les choses, mais (sur une pique qui pourrait vous déstabiliser)
- Vous avez l’air contrarié (sur une question un peu agressive. Ajustez en fonction du contexte, exemple, s’il fait mauvais dehors : je vois que vous êtes un peu dans le brouillard.)
- Ça me rappelle (+ association pertinente avec un souvenir personnel, une anecdote ou une histoire courte et drôle)
La timidité, handicap rédhibitoire pour donner la réplique ?
Tous nos spécialistes s’accordent à désigner nos inhibitions comme les principaux freins à notre sens de la répartie. Il est clair que pour être à l’aise et ouvert dans une discussion en réseau, il faut bannir le dialogue intérieur qui nous incite à nous mettre sous surveillance, analysant, critiquant nos moindres gestes ou intentions.
Voici pourtant un contre-exemple où un grand timide s’est montré terriblement efficace. Lors de son émission littéraire, Bernard Pivot apostrophe l’auteur Patrick Modiano (excellent à l’écrit, mais désastreux à l’oral, bégayant et ne finissant jamais ses phrases) en présence de Philippe Sollers (beaucoup plus habile et prolixe) :
Et vous Modiano, qu’est-ce que vous en pensez du livre de Sollers ?
Cela me rappelle les débuts de Sacha Distel… répondit l’écrivain d’un air rêveur. « C’était tellement étrange et totalement dépourvu d’ironie, se souvient Alan Boone que tout le plateau, y compris Sollers, est resté sous le charme de cette réplique ».
Ainsi quelle que soit votre personnalité, votre aisance sociale et relationnelle, vous savez à présent que vous pouvez faire preuve de répartie. Laissons donc à Michel Audiard, un des maîtres du genre, le soin de conclure : « Et dites-vous bien que dans la vie, ne pas reconnaître son talent, c’est favoriser la réussite des médiocres » (Les tontons flingueurs)